Les forêts ont un effet important sur le cycle de l'eau
Les politiques publiques en matière de climat sont très focalisées sur la limitation des températures et des émissions de gaz à effet de serre.
Elles négligent souvent, comme c’est le cas en France, la protection du cycle de l’eau.
Celui-ci est intimement lié à la couverture des sols, notamment en massifs forestiers. Ces derniers interfèrent intensément avec le climat en favorisant les régimes de précipitations. Les forêts entretiennent le cycle de l'eau depuis les océans vers l'intérieur des continents.
Toute variation négative de cette couverture forestière altère le climat, d’abord d’une façon graduelle, puis ensuite de manière beaucoup plus brutale lorsque des points de rupture sont franchis.
L’opinion publique est de plus en plus sensible aux actions de déforestation en Amérique du sud en Afrique ou en Asie. Cela suscite une certaine émotion, à juste raison, sans toutefois que les comportements des consommateurs occidentaux qui sont à l’origine de ces déforestations n’évoluent sensiblement. Par ailleurs, en France aucun plan sérieux de reforestation en massifs forestiers n'est à l'ordre du jour.
L'usage des sols, c'est quoi ?
Pour simplifier, on peut attribuer quatre usages aux sols :
- Les usages pour les espaces urbains et les infrastructures ;
- Les usages agricoles ;
- Les usages pour les espaces naturels sous formes de landes, plans d’eau, fleuves et rivières ;
- Les usages des espaces forestiers.
Ces massifs forestiers ont des effets indissociables de la vie sur terre. Ils ont contribué à produire de l’oxygène qui développe la vie animale. Ils abritent une grande partie de la vie végétale et animale appelée biodiversité. Ils créent des sols qui permettent à la végétation de se fixer et de se développer. Ils régulent le climat sur terre en capturant le CO2, gaz à effet de serre, pour le transformer en bois. Ils fixent les sols et les protègent de l’érosion.
Enfin, effet moins connu, les massifs forestiers favorisent les régimes de pluie et protègent des sécheresses. Ce sont des armes anti-désert.
C’est ce dernier effet des forêts sur les précipitations que nous développons sur cette page. Il serait cependant réducteur de limiter le rôle des forêts à leur impact sur le climat. Un massif forestier présente bien d'autres avantages comme, entre autres :
- le développement de la biodiversité;
- la génération de matière organique pour les sols;
- le maintien et le drainage des sols;
- la fourniture de matière bois, de ressources économiques;
- constituer des espaces récréatifs naturels.
Qu'est ce qu'un massif forestier ?
Il n’y a pas de définition normalisée pour caractériser les massifs forestiers. La Terre du Futur a développé sa propre échelle pour en préciser la description pour gérer ses projets.
Pour résumer, on peut dire qu’un massif forestier, tel que défini par La Terre du Futur, est une étendue boisée de plus de 400 kilomètres carrés, et dont la plus petite dimension ne peut être inférieure à 10kms. Nous distinguons les petits massifs des grands massifs avec une limite entre ces deux notions positionnée à 2500 kilomètres carrés.
Il faut aussi que deux autres conditions soient remplies : les arbres des espaces boisés doivent pouvoir atteindre une hauteur de 5 mètres au moins et le couvert forestier des arbres à maturité doit dépasser 75%.
Pourquoi les massifs forestiers favorisent les pluies
Les massifs forestiers sont le lieu d’échanges intenses avec l’atmosphère principalement sous forme de vapeur d’eau et d’eau de pluie. Leur impact sur le climat va bien au-delà de l’absorption du CO2 principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. Leurs interactions avec l’atmosphère influencent de façon décisive le climat et la vie : sans les forêts la vie sur terre ne serait pas celle que l’on connait aujourd’hui. Et en réduisant la surface des espaces forestiers nous mettons en danger non seulement l’humanité, mais une très grande partie de la biodiversité.
Compte tenu des conséquences du changement climatique, des ravages de la déforestation, plusieurs organismes de recherche conduisent depuis plusieurs dizaines d'années des études pour caractériser et quantifier le rôle des forêts. Il a été observé dans plusieurs régions que des déforestations avaient réduit les régimes de précipitations et engendré la désertification de surfaces importantes.
L'eau de pluie ne vient pas que des océans.
L’étude "Origin and fate of atmospheric moisture over continents (origine et destin de l’humidité atmosphérique sur les continents)” indique qu’une fraction seulement des précipitations sur les continents provient directement de l’évaporation des océans (60%). (Cf graphique ci dessous). Cette proportion est variable selon les régions : on estime que l’évaporation terrestre du continent eurasien génère 80% des ressources en eau de la Chine. En Amérique du Sud, 70% des ressources en eau du bassin de rio de la Plata provient de l’évaporation de l’Amazone. On estime également que 57% de toute l'eau diffusée par l’évaporation terrestre retourne sur terre sous forme de précipitations.
Un lien pour accéder à cette étude est disponible en bas de page.
Le principe de la pompe biotique d'un massif forestier
Lorsqu'il pleut sur une forêt, l'arrivée de l'eau sur le sol est régulée par les obstacles constitués des feuilles et branchages. De ce fait les phénomènes de ruissellement sur le sol sont limités et l'eau s'infiltre plus facilement dans le sol. Les systèmes racinaires des arbres contribuent à cette infiltration. Les sols des forêts contiennent plus d'eau.
Pour les chercheurs, les phénomènes d’évapotranspiration liés aux arbres chargent l’air en vapeur d’eau. Ici aussi les arbres régulent cet échange dans le temps, en comparaison d'un sol sans végétation forestière qui peut générer une évaporation brutale sans effet sur les régimes de pluie. Le phénomène d'échange en eau entre les arbres et l'atmosphère est appelé évapotranspiration.
Les massifs forestiers favorisent le stockage de l'eau de pluie et la restitue en évaporation vers les masses d'air qui à leur tour peuvent sur le trajet générer des pluies vers l'intérieur des continents.
C’est le principe de la pompe biotique.
Les travaux de Makarieva et Gorskhov (lien vers l'étude ci dessous) suggèrent qu’en l’absence de couverture forestière, les précipitations peuvent diminuer fortement entre les surfaces océaniques et l’intérieur d’un continent. Les massifs forestiers continus favorisent donc une transmission des régimes de pluie des mers et océans vers l’intérieur des continents.
La quantification de ces phénomènes va dépendre de la latitude : tropicale, zones à moissons, climats tempérés avec une forte saisonnalité. Pour ces derniers, comme le continent de l’Europe de l’Ouest, le phénomène de pompe biotique ne fonctionne bien qu’en été, lorsque les températures sont élevées, et certainement aussi lorsque les arbres feuillus sont verts.
Globalement, les travaux de Makarieva et Gorskhov suggèrent que le climat est moins une question d’interaction continent-océan que de couverture végétale. Ils suggèrent également qu’une rupture de couverture forestière le long d’une côte maritime peut rompre le fonctionnement de la pompe biotique et assécher un continent.
Dans une perspective de changement climatique qui induit des augmentations de températures, des sécheresses, il est important de comprendre les interactions entre forêts et continents qui favorisent le cycle de l'eau.
Les effets de la déforestation sur le climat
On estime que l'élimination de massifs forestiers a été la cause du déclin des précipitations dans plusieurs régions du globe comme au Sahel, en Afrique de l’Ouest, au Cameroun, en Amazonie Centrale et en Inde. On y attribue aussi un affaiblissement des effets de mousson. Ces effets ont été analysés par plusieurs études (Fu et al. 2002, Gianni et al 2003, Mahli and Wright 2005) sans pouvoir toutefois en quantifier les interactions forêt-climat.
Les analyses suggèrent que la déforestation intensive réduit les formations nuageuses et les précipitations et accentue la saisonnalité (Bonan 2008, lien ci dessous).
Les recherches sont pour la plupart basées sur des simulations. Les possibilités de réaliser des investigations expérimentales sont limitées. L’étude de Bonan de 2008 indique que les travaux les plus récents montrent un déclin des précipitations locales suivant une réduction des massifs forestiers, avec parfois des impacts qui peuvent être sensibles sur tout un continent.
Pour les modélisateurs du climat, les principaux éléments clés associés à une déforestation et qui vont avoir un effet climatique sont :
- Le taux de couverture foliaire ;
- La profondeur racinaire ;
- La rugosité de la canopée ;
- Les variations d’albedo (réflectivité).
La façon dont ces paramètres influent globalement n’est à ce jour comprise que de façon générale.
Le cas de la France
La couverture forestière
La France est couverte à un plus de 30% par des bois et forêts (cf article occupation des sols).
Cependant cette couverture est inégalement répartie sur le territoire : plutôt sur l’est du pays, et dans les zones de montagne. Il n'y a pas de massif forestier à l'ouest de la ligne jaune sur la carte ci contre.
Les zones de plaines dans l’ouest sont très peu pourvues en massifs forestiers comme l’indique la photo IGN ci-dessus. En se déplaçant d’ouest en est, les premiers grands massifs forestiers rencontrés sont les forêts des landes, du Périgord et de Sologne.
Les précipitations
La carte des précipitations sur la période de 1981 à 2010 de Météo France montre des différences entre les zones du territoire.
Pour faire des comparaisons, il faut bien distinguer zones de plaines des zones de montages, ainsi que du climat méditerranéen du sud-est. Les zones de montagnes, sous les versants « au vent » de la circulation, reçoivent plus de pluie par les effets orographiques. Les versants sous le vent (plaine d’Alsace par exemple) sont moins arrosés que les massifs aux alentours.
Ce qu'il est intéressant de noter en rapprochant les cartes de l’IGN et de Météo France ci-dessus c’est que l’ouest du pays semble moins arrosé que l’est, et ce, surtout en été. Ce sont les zones les moins pourvues en massifs forestiers, là où l’agriculture souvent intensive comme en Beauce s’est développée, que les précipitations sont les moins élevées.
Le principe de la pompe biotique évoqué plus haut semble trouver une illustration dans le cas des forêts des Landes, du Périgord et de Sologne. Elles sont globalement plus arrosées que les zones environnantes, notamment en été. Une étude d'observation des couvertures nuageuses, publiée en janvier 2017, a montré que les formations nuageuses étaient plus importantes sur la forêt de Sologne et du massif forestier des Landes qu'au dessus des zones avoisinantes.
Enseignements pour le futur
La dynamique de changement climatique à laquelle nous faisons face va non seulement élever les températures sur le globe terrestre, mais aussi modifier le cycle de l’eau.
Il faut aussi rappeler qu’une augmentation de deux degrés des températures, objectif limite de l’accord de Paris, est une variation moyenne. L’augmentation des températures sur les continents sera plus du double de cette moyenne.
Les simulations climatiques de Météo France pour les décennies à venir prévoient, en plus de cette élévation des températures, un accroissement des sécheresses, qui devraient s'étendre à la partie nord du pays.
Ces simulations sont homogènes avec l’étude que nous avons résumée dans la page changement climatique et agriculture.
La Terre du Futur estime que les politiques climatiques actuelles, du moins en France sont très insuffisantes, notamment en ce qui concerne la sécurisation du cycle de l’eau.
Pour éviter les effets dévastateurs des sécheresses, notamment sur les systèmes agricoles et l’accès à l’eau, la Terre du Futur préconise des reboisements significatifs en France. En l’absence de politiques publiques en ce sens, la Terre du Futur entend combler ces lacunes.
Ressources
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L'article massifs forestiers et climat a été rédigé par Frédéric Durdux