Le climat en Europe influencé par les forêts

Dans le contexte de changement violent de climat en Europe, et surtout en France, auquel nous sommes confrontés, nos sociétés imputent le changement climatique à la variation de composition chimique de l’atmosphère. On pense en général à l’augmentation de la concentration de gaz à effets de serre, tels que le gaz carbonique ou le méthane.

Cette perception est certes juste, mais incomplète. L'origine du changement climatique actuel est le résultat de l’augmentation de cette concentration de gaz à effet de serre.  Mais il faut aussi comprendre que le réchauffement du climat ne dépend pas uniquement de ces facteurs.

Pendant longtemps on a cherché à expliquer le climat par des données géographiques (latitude) de position sur les continents, de relief… Et on disait : à tel climat correspond tel type de végétation. Mais depuis une trentaine d'années, le changement climatique a nourri une recherche scientifique très riche sur les fondements du climat. Les nouvelles techniques disponibles, notamment satellitaires et de capacité de calcul ont apporté des moyens sans précédents pour mieux comprendre la complexité de la machine climatique.

La question posée est de savoir si la relation climat végétation est à sens unique ou si la végétation ou l’absence de végétation en en lieu n’influencerait pas dans une certaine mesure le climat. Les lecteurs réguliers des pages de ce site savent que la réponse est oui. La végétation, notamment forestière, a bien une influence sur le climat. Elle participe au phénomène que l‘on appelle couplage sol atmosphère et qui va contribuer à déterminer les conditions climatiques d’un lieu. Les résultats des études scientifiques publiées en ce sens depuis une dizaine d’année le montrent clairement. Elles constituent un corpus sur lequel nous pouvons nous appuyer pour prendre des décisions politiques d'aménagement du territoire afin d'atténuer les conséquences du changement climatique.

Ici nous synthétisons les résultats d’une étude qui montre comment en Europe nous pourrions en partie compenser la perte des précipitations liée au changement de climat, et ce en développant une politique forestière offensive. 

L’équipe composée de Ronny Meier,  Jonas Schwaab, Sonia I. Seneviratne,  Michael Sprenger,  Elizabeth Lewis  et Edouard L. Davin a réalisé des travaux sur l'impact sur le climat en Europe des forêts et d'une possible reforestation.  

L'étude, intitulée ‘’Empirical estimate of forestation-induced precipitation change in Europe’’, a été publiée dans la revue Nature Goescience en juillet 2021. 

Afin que ses travaux ne soient pas seulement théoriques mais basés sur l’impact observable des forêts sur le climat, l’équipe a analysé en les comparant des données issues de paires de stations météorologiques situées sur des zones forestières et non forestières pertinentes. On a ici cherché à mettre en évidence les écarts de climat, et notamment les niveaux de précipitations entre ces zones recouvertes ou non recouvertes de forêts. Les données statistiques des paires de stations entre 1986 et 2015 sont ensuite comparées en tenant compte de la circulation atmosphérique qui peut déplacer l’impact d’un sol sur le climat plus loins sur sa trajectoire.

Les chercheurs ont ainsi pu isoler les effets locaux des forêts d'une part et de la circulation atmosphérique d'autre part.

Les données provenaient de 3481 pluviomètres et 2376 stations météorologiques.  

La deuxième partie de l’étude porte sur l’effet potentiel d’une reforestation significative sur le climat en Europe. Cette estimation est théorique et s’appuie sur les données obtenues dans la première partie de l’étude.

La forestation envisagée correspond à une augmentation uniforme de 20% des forêts actuelles d’Europe, sauf en Scandinavie. Pour cette dernière région, les auteurs estiment qu’il n’y a pas suffisamment de surface disponible pour reboiser.

Les simulations de précipitations sont ensuite calculées avec ces nouvelles surfaces forestières et comparées avec la situation actuelle et les effets du scénario de changement climatique RCP4.5 (forçage radiatif de 4,5W par m2 en 2100 puis stabilisation ensuite).

Ce que montre cette simulation c’est que la reforestation envisagée aurait le potentiel d’accroitre le niveau des précipitations en Europe.

Cet effet permettrait de compenser la baisse de précipitation estivale envisagée par le changement climatique considéré.  L’effet serait assez marqué sur le bassin méditerranéen et les régions atlantiques.   

Pour les auteurs la reforestation est un outil efficace pour lutter contre les conséquences liées au changement climatique telles que sont les sécheresses estivales. La force et la fréquence de celles-ci vont aller en augmentant. 

Nos sociétés perçoivent l’utilité des forêts pour le climat dans leur capacité à absorber du CO2, principal gaz à effet de serre. Cependant, c’est la capacité des forêts à réguler le cycle de l’eau qui constitue leur principal atout dans la lutte conte les effets du changement climatique.

Les forêts favorisent le régime des pluies.

En France, la partie ouest du territoire est très peu pourvue en forêts massives. Cette situation constitue une faiblesse de notre pays contre la violence du changement climatique. Les sécheresses prononcées que nous avons connues en 2022 et 2023 ont constitué des prémices de situations qui se répèteront avec de plus en plus d’intensité. Reboiser et revégétaliser cette partie du territoire est nécessaire pour lutter contre ces sécheresses qui menacent notre agriculture et l’approvisionnement en eau de façon plus générale.