Quand on examine l’évolution de la surface forestière dans notre pays, on pourrait penser qu’il n’y a pas d’enjeu majeur de reforestation en France.
En effet, en un siècle, de 1908 à 2009 les surfaces boisées se sont accrues. Elles sont globalement passées de 9,9 à 15,6 millions d’hectares, et ce sans compter les forêts d’Alsace et lorraine, non comptabilisées dans l’inventaire de Daubrée de 1908.
Par ailleurs, le couvert forestier continue de progresser depuis 30 ans, à un rythme de 90000 hectares par an selon le suivi de l’inventaire forestier assuré par l’IGN. La progression continue de nos forêts depuis plus d’un siècle est une bonne chose. Mais devons nous considérer cette situation comme suffisante et satisfaisante en regard des enjeux environnementaux ?
Aujourd’hui, l’actualité autour du réchauffement climatique a sensibilisé le plus grand nombre au rôle des forêts pour absorber une partie du gaz carbonique émis par les activités humaines. Mais si la France semble plutôt bon élève dans l’extension de ses forêts, d’autres facteurs montrent que l’enjeu de la reforestation en France n’est pas pris à la hauteur qu’il mérite par les pouvoirs publics. Explications.
L'enjeu climatique de reforestation, au delà du CO2
Les forêts jouent un rôle majeur pour limiter l’effet de serre en absorbant du CO2. Néanmoins, il faut comprendre qu’au rythme des émissions actuelles, couvrir la France de forêts ne permettrait pas d’absorber toutes les émissions du pays. En reboisant on atténue seulement le choc lié au réchauffement climatique. Cependant, il y a d’autres enjeux liés à la reforestation, comme la préservation ou la reconstitution des sols, la sauvegarde de la biodiversité et, de façon peut être moins évidente à comprendre, sur les régimes de pluie autour des zones forestières. En effets les massifs forestiers favorisent le cycle de l'eau.
Les premières études de l’impact du réchauffement climatique sur les régimes de pluie indiquent que notre pays sera un des premiers touchés par des conditions adverses pour l’agriculture, caractérisées par des sécheresses de plus en plus sévères. Plusieurs cultures pourraient alors être difficiles à pérenniser en France comme le blé ou le maïs, et ce à un horizon relativement proche de l’ordre de 20 à 30 ans. Pour atténuer ces effets, la reforestation à une rôle à jouer. En circulant au-dessus des forêts, les masses d’air se chargent en humidité, restituée en pluie en aval.
Ces effets ont été synthétisés en 2012 par le département de climatologie et de météorologie du Royaume Uni, téléchargeable sur notre page « importance de la forêt ».
En France métropolitaine, l’enjeu majeur de reforestation se situe au nord - ouest d’une ligne allant de Bordeaux à Lille, portant surface la moins boisée de France et par laquelle passent les masses d’air. Y accroitre les surfaces des forêts sera de nature à atténuer les sécheresses sur l’ensemble du territoire.
Reforestation et usage des sols
En France nous n’avons lancé aucune réflexion globale sur l’usage de nos sols, pourtant une de nos premières richesses. De ce point de vue nos voisins britanniques ont pris une longueur d'avance. (Cf notre page réchauffement climatique et usage des sols)
Comment utiliser la surface du territoire national? Nous avons besoin de surfaces pour habiter, pour construire de infrastructures, des zones d’activité, et des zones à caractère agricoles. Quelles proportions attribuer à chacune d’elles ? Quelles zones privilégier ? Quelle agriculture pour demain, sachant que pour réduire les gaz à effet de serre, nous devrions décarner nos régimes alimentaires, et surtout réduire la consommation bovine… Dans un schéma cible quel seraient donc les surfaces nécessaires pour cultiver sachant que soja, maïs et pâturages occupent des surfaces conséquentes ? Doit on allouer autant de surfaces à la culture de vignes ? Ne devrait-on pas réduire d’un certain facteur les surfaces agricoles pour assurer des programmes de reforestation majeurs ?Dans l’ouest du pays, notamment, afin d’atténuer les effets du réchauffement climatique et les sécheresses à venir, et donc protéger la capacité agricole du pays.
Ces questions ont socialement très sensibles, car elles touchent à des traditions agricoles très ancrées dans notre pays. Mais compte tenu de la hauteur des enjeux, elles doivent être posées et débattues pour en tirer des conclusions et des orientations politiques de reforestation en France à 30 ou 40 ans.
Avec le reboisement, assurer la survie de nos forêts
Organiser la reforestation en France, c’est aussi réfléchir sur ce que doit être demain une forêt dans nos régions. L’évolution du climat est un facteur qui doit guider la structure de nos forêts. Quelles sont les essences à planter aujourd’hui pour le climat de demain?Comment assurer une résistance de nos forêts aux risques d’incendies croissants ? La monoculture forestière, qui occupe près de 50% des surfaces boisées actuelles sera à proscrire, afin de rendre nos forêts plus résilientes.
En concevant nos forêts pour demain, nous pourrons aussi transformer les espaces boisés actuels, qui, s’ils ne s’adaptent pas, souffriront des effets du changement climatique.
Des organismes publics pour l'avenir de nos forêts
Plusieurs organismes publics agissent pour l’avenir de nos forêts en France. Si le premier qui vient à l’esprit est l’Office National des Forêts, (ONF) chargé de gérer les forêts du domaine public (état et collectivités locales) d'autres acteurs publics comme l'Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), ou le CNRS développent des programmes de recherche autour de la gestion forestière, et l'IGN se charge de la réalisation et de la mise à disposition de l'inventaire forestier en France.
Si une des missions de l’ONF devrait être de jouer le rôle d’opérateur d’État pour conduire des programmes de reforestation en France, d’autres organismes apportent, chacun dans le cadre de leur mission respective leur savoir-faire pour :
- Identifier toutes les parcelles en France assurant le couvert forestier, ou ayant vocation à l’être, en les caractérisant en ce qui concerne l’IGN.
- Conduire des programmes de recherches sur les espèces, leur adaptation à leur milieu et les interactions entre les forêts et les espaces agricoles pour l’INRAE.
Toute politique visant à privatiser la mission de l’ONF est à proscrire : la gestion de nos forêts doit s’inscrire dans une politique de développement durable, incompatible avec le court-termisme qui prévaut dans l’économie privée.
Météo France et le CNRS apportent également leurs compétences climatiques.
Les coopérations entre ces organismes sont à accentuer. Par ailleurs, la mission de l’ONF est à renforcer, en en faisant le bras armé de l’État dans les programmes de reforestation. L’organisme doit être doté des moyens nécessaires pour assurer cette mission dans de bonnes conditions.
Comment organiser le reboisement en France ?
On se rend compte que la politique publique n’a pas encore pris en compte des enjeux liés à la reforestation en France. Il n'y pas de réflexion sur l’usage des sols, pas de programme de reforestation d’ampleur et des organismes publics sont menacés.
Dans une situation d’incapacité de l’État à agir, les acteurs citoyens doivent s’approprier autant qu’ils le peuvent cette mission de reforestation du territoire. Les initiatives dans ce sens sont à encourager. La Terre du Futur entend y prendre sa part avec son initiative de reboisement. Celle ci matérialise par une association de reforestation qui a pour vocation :
- à fédérer des volontaires désireux d'agir pour le reboisement en France;
- à générer des projets locaux et initier un massif forestier à l'ouest de la France;
- à sensibiliser le public aux enjeux liés à la forêt.
L'article "les enjeux de la reforestation en France" a été rédigé par Frédéric Durdux.