Les forêts favorisent les précipitations sur les continents
Comprendre comment faire pleuvoir devient chaque jour plus indispensable avec le changement climatique. Faire tomber la pluie relève de principes physiques connus.
Organiser des conditions favorables pour que les régimes de précipitations soient plus fréquents et intenses est possible. Il faut simplement s'assurer de l’action des forêts sur le cycle de l’eau.
L’augmentation de la fréquence et du rythme des sécheresses en Europe et en France notamment resserrent les contraintes sur les milieux naturels et agricoles. La disponibilité en eau douce semble menacée à certains endroits du territoire. Cette situation crée des tensions et parfois des réactions surprenantes, comme le retour de la procession religieuse de Saint Gaudérique à Perpignan le 18 mars 2023, destinée à faire tomber la pluie.
Les essais d'ensemencement des nuages avec des particules chimiques produisent des résultats incertains, sont polluants, onéreux et très locaux. Par ailleurs ils ne produisent pas la matière première, qui est la vapeur d'eau.
Plutôt que le retour vers des comportements irrationnels et la tentation de l’obscurantisme, nous militons pour un aménagement du territoire qui redonne aux forêts leur rôle pour maintenir et développer le cycle de l’eau. Alors comment faire tomber la pluie ?
Comprendre le cycle de l'eau
Le cycle de l’eau est illustré schématiquement par le schéma ci-contre. Pour résumer on peut dire qu’il suit le cheminement suivant :
- L’eau s’évapore des mers et océans ;
- L’eau vaporisée dans l’atmosphère condense en altitude et forme des nuages ;
- Les nuages sous certaines conditions génèrent des pluies ;
- Celles-ci peuvent tomber sur les continents ;
- Les eaux ruissellent vers les cours d’eau qui retournent vers les mers et océans ;
- Une partie s’infiltre dans les sols et alimentent les nappes souterraines ;
- Une partie de cette eau est utilisée par les végétaux pour leur croissance ;
- L’eau puisée dans les sols par les végétaux s’évapore dans l’atmosphère et on revient au point 2.
Nous présentons plus en détail l'impact du cycle de l'eau dans cette page.
Comment faire pleuvoir, le rôle des forêts
On voit que la végétation intervient dans le cycle de l’eau lorsque les pluies tombent sur des sols végétalisés.
Lorsque cette végétation est constituée de forêts, le cycle de l’eau est caractérisé par une meilleure infiltration de l’eau dans les sols. On remarque une capacité d’infiltration de l’eau jusqu’à 5 fois supérieure par rapport à un sol nu, ou même un champ non cultivé favorisant le phénomène de battance. Les sols stockent donc plus d’eau notamment lors des épisodes hivernaux pluvieux ou sous les forts orages d’été. (Travaux d’Aurélien Bansept).
Lors de la croissance des végétaux, depuis le printemps jusqu’en automne, les arbres puisent l’eau stockée dans les sols pour assurer leur développement. Cette eau est aspirée sous l’effet de la photosynthèse et rejetée dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau.
La vapeur d’eau ainsi générée accroit sa concentration dans l’atmosphère. La formation des masses nuageuses et la probabilité de précipitations sur le parcours de la masse d’air seront favorisées. C’est ce phénomène qui permet de générer des précipitations sur les continents, même à des distances très éloignées des mers et océans. On estime qu’à certains endroits des continents, jusqu’à 70% des précipitations proviennent d’eau évaporée de forêts ou de sols hors mers et océans. On comprend ainsi comment faire pleuvoir avec les massifs forestiers.
Aménager le territoire avec de grands espaces forestiers
Il suffit d’observer une carte de France pour comprendre que notre territoire est peu pourvu en massifs forestiers sur sa partie ouest. Cette situation est illustrée par la photo IGN ci-contre. Elle fait apparaitre une situation défavorable aux précipitations dans notre pays.
Ce manque de forêts dans l'ouest est un facteur aggravant pour la fréquence et l’intensité des sécheresses dans le contexte du changement climatique.
C’est pourquoi la Terre du Futur préconise des boisements massifs dans l’ouest du pays afin de favoriser les régimes de pluies localement et sur tout le territoire. Le stockage plus important de l’eau dans les sols favorisé par les forêts servira aussi l’agriculture ou les besoins en eau douce des populations.
Le projet de la Terre du Futur consiste à réunir des bénévoles pour créer ses boisements en changeant l’affectation des sols en en sanctuarisant ces espaces sous formes de forêts.
Les études de l'impact des forêts sur le climat
Plusieurs études scientifiques ont permis de caractériser comment et de quelle façon les massifs forestiers influencent le climat et faire tomber la pluie, plus intensément ou plus fréquemment.
L'observation des effets des déforestations
En observant les déforestations massives de la forêt amazonienne, les chercheurs ont pu constater que les régimes de précipitations dans les zones concernées diminuaient. Des sécheresses sont apparues et leur fréquence augmente. Nous avons résumé certains de ces travaux sur cette page dédiée à l’impact de la déforestation au Brésil sur le climat.
On commence à comprendre que la grande quantité d’eau qui fait pousser les forêts tropicales n’est pas seulement le fait du climat, mais des forêts elles-mêmes qui entretiennent un cycle de l’eau particulièrement abondant.
Les travaux scientifiques sur les forêts européennes
Cet effet des forêts sur le climat ne concerne pas seulement les forêts tropicales, mais aussi celles d’Europe. Sur notre continent, deux études sont particulièrement intéressantes pour indiquer comment faire pleuvoir. La première a été conduite en France sur les massifs forestiers des Landes et de Sologne, qui présentent des caractéristiques de forêts suffisamment étendue, entourées de zones non boisées et éloignées de zones montagneuses.
Cette étude est intitulée « observation des preuves du renforcement des couvertures nuageuses au-dessus de forêts européennes » et a été publiée en 2017. Elle a été réalisée par Adriaan J. Teuling, Christopher M. Taylor, Jan Fokke Meirink, Lieke A. Melsen, Diego G. Miralles, Chiel C. van Heerwaarden, Robert Vautard, Annemiek L. Stegehuis, Gert-Jan Nabuurs & Jordi Vila-Guerau de Arellano. Elle a mis en évidence des formations nuageuses plus importantes au-dessus de ces deux massifs forestiers. En général les nuages se développent plus tôt que sur les surfaces environnantes. Les nuages d’été se développent aussi plus fréquemment.
Le deuxième étude, empirique celle-ci, est plus récente et date de juillet 2021. Intitulée « Empirical estimate of forestation-induced precipitation changes in Europe » et publiée dans la revue Nature, elle modélise l’évolution des précipitations si 20% de la surface de l’Europe pouvait être reboisée. Les conséquences dépendent de la position géographique du lieu considéré. En France, l'impact serait une augmentation des précipitations estivales de l’ordre de 0.3mm par jour en moyenne, soit 30mm d’eau environ sur la période d’été hors changement climatique.
En prenant en compte le scénario RCP4.25 du GIEC, cette reforestation conduirait, par rapport à ce scénario, plus de précipitations en hiver, notamment sur les zones montagneuses et une stabilisation des précipitations en été.
Bien que cette étude soit théorique, elle indique qu’une augmentation du taux de boisement du continent européen favoriserait les régimes de pluie. Les forêts constituent bien une arme contre les effets du changement climatique. Elles pourront atténuer la sévérité et la fréquence des sécheresses.
Cet article "comment faire pleuvoir" a été rédigé par Frédéric Durdux